Le Palis
Le Palis est le nom d'un quartier qui fait partie de la commune de Vaison-la-Romaine dans le Vaucluse. Il est situé à environ à 5 km au nord-ouest de cette ville.
Le Palis: Lieu fertile et humide, au sol constitué d'alluvions, au cœur d'une petite plaine.
C'est une déformation de palus, palud ou palude.
Un peu de toponymie:
Autrefois, le Palis désignait seulement la ferme éponyme et son tènement.
Dans ses locaux, en 1888, s'installa un café, un débit de tabac, un coiffeur barbier et se créa une fête votive annuelle.
Le Palis gagna en notoriété. Les gens parlèrent de l'école du Palis, de la route du Palis, de la plaine du Palis. Lors des révisions du cadastre, les géomètres utilisèrent ce nom au détriment des autres noms de lieux et le quartier du Palis fut créé. Progressivement, il a absorbé et continue encore à recouvrir les quartiers environnants : les Blaches, le Parrot, les Granges Vieilles, le Serre des Moines, le Croupatas, les Rastellets, la Tulisse, une partie du Plan, le Gour de Peyrol sur Roaix et le Boussillon sur Buisson. Ces noms se trouvent sur les cadastres, mais oralement, ils ont disparu.
Avec ces toponymes qui parlent, on peut comprendre une partie de l'histoire de ces lieux:
Les Blaches: Lieu planté de chênes blancs dont on utilisait « les rames » (branches feuillues).
Le Parrot: C'est le moulin à foulon où on blanchissait les draps.
Les Granges Vieilles: C'est un hameau à 700 ou 800 mètres de l'école, à l'emplacement d'une villa gallo-romaine.
Le Serre des Moines: Un serre est une colline, peut-être propriété d'un monastère (non attesté).
Le croupatas: Mot provençal qui signifie corbeau. En réalité, la « crous pata (patado) », la croix pattée, en forme de pied fourchu.
C'était la croix des Templiers plantée pour servir de borne visuelle.
Les rastellets: Grande colline boisée dont le piémont est cultivé. D'une racine pré-indo-européenne RAB ou RAV, B et V étant utilisés indifféremment. Ce nom désigne un flanc de colline, une pente souvent cultivée (le Ravalette, petite pente au nord du Serre des Moines: petite pente habitée).
Le Gour de Peyrol a remplacé le jas du Pin, la bergerie du Pin à l'origine, Vallat dóu Peiròu, qui veut dire en français ruisseau de la marmite (marmite de géant due à l'érosion).
Ensuite, il est devenu Gour dóu Vallat dóu Peiróu après la construction d'un mur retenant un gour, une mare, puis, par contraction, Gour dóu Peiròu, francisé en Peyrol.
La Tulisse: Du provençal téulisso, toiture, lieu où se trouvait un tas de tuiles, en fait, des tegulae (tuiles romaines).
Le Plan: Inutile d'expliquer.
Le Boussillon: De la racine BUS ou BUSC qui a donné en provençal bouscatié (bûcheron).
Ce serait le petit bois, alors que l'emplacement du village de Buisson serait le grand bois.
Un peu d'histoire:
Le Palis a certainement été cultivé depuis la préhistoire.
Le néolithique n'a laissé que très peu de traces: quelques lames de silex, des petites lames de faucilles en silex gris. En revanche, cette période est attestée tout autour de la plaine du Palis: une tombe sur le colline du Barsan (500 mètres du Palis), un petit hypogée (excavation creusée de main d'homme, construction souterraine, tombe souterraine) sur le flanc sud de la colline de Villedieu (900 m.), un très important hypogée à Roaix à 1 km au sud-ouest du Palis, fouillé par Jean Courtin (célèbre archéologue en Provence) qui y a découvert un grand nombre de squelettes, des pointes de flèches plantés dans les os.
C'est la plus ancienne guerre d'Europe, néolithique final pré-campaniforme.
Par contre, l'époque romaine est très représentée :
Une villa au quartier de la Tulisse, attestée par des fragments de tegulae, de poteries sigillées, de verres, des morceaux d'une meule de ménage en pouzzolane ainsi que deux grosses meules de moulin. Cette exploitation possédait donc un moulin à sang (ni à eau ni à vent).
Une autre habitation au domaine Saint-Claude est attestée (tegulae, sigillées...).
Non loin de là (100m. À l'est), au bord de l'ancien chemin desservant cette villa, a été découverte une tombe à incinération, avec une urne cinéraire en verre bleuté, à anses peignées, au couvercle en plomb gravé (inscription illisible). Il y avait aussi un peu de mobilier : miroir, lampe, le tout contenu dans un sarcophage carré avec couvercle en pierre de Beaumont.
Aux alentours du site, plusieurs sarcophages ont été mis à jour, toujours en pierres de Beaumont, souvent taillés dans des fûts de colonnes. Certains ont été réemployés dans les fermes comme abreuvoirs.
Une tombe sous tuiles a été répertoriée à la Ravalette.
Au sud du même serre, l'archélogue Joël-Claude Meffre a fouillé un dépotoir de cuisine avec tessons de poteries, sigillées ou autres fragments de verres, d'amphores, de doliums, et de meules domestiques en pouzzolane, des clous en bronze, une lame de faucille en fer. Ce dépotoir était contenu dans les murs des fondations d'un (petit ?) édifice en ruines datant probablement du 1er siècle. Il a été interprété comme un lieu de captage de source car, en son centre, il comportait une fosse avec un fort dépôt de calcaire.
Ecole du Palis
À 200 mètres au sud de l'école, est attesté un site gallo-romain, interprété comme « des batiments d'industrie », probablement lieu de blanchissage des draps (le Parrot), tout près de l'écoulement de plusieurs sources, dont une issue d'un captage en galerie creusée dans le safre (molasse marine de l'helvetien) sur plus de 100 mètres et elle a été largement exploitée.
On recense au moins 6 puisages par « pouso-raco » (norias). Certains ont disparu, mais on peut en reconnaître encore quelques-uns.
Ce système développé au dix-neuvième siècle, a été remplacé au vingtième siècle par les pompes à vent (éoliennes). Dix-neuf ont été photographiées dans un rayon de 700 mètres.
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Pour la contruction, les Romains utilisaient la pierre calcaire grise de Vaison, et la pierre de Beaumont taillée.
Plus tard, les Templiers ont utilisé le safre, matériau local qui a perduré jusqu'à nos jours.
Les murs des fermes du Palis étaient épais, avec des morceaux de safre non calibrés.
Les deux faces du mur recevaient les grosses pierres ayant une face plane.
L'intérieur du mur recevait les pierres plus petites hourdies au mortier de terre (non humifère).
Les deux faces du mur recevaient un bourrelet d'environ dix centimètres de largeur et quelques centimètres d'épaisseur de mortier de chaux. De grandes constructions faites avec cette technique sont encore en place. Presque toutes portent des tirants en fer. Pour moi, ce n'est pas un signe de fragilité, mais plutôt les stigmates laissés par le tremblement de terre de 1909 (des maisons s'étaient écroulées à Avignon).
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Je remercie chaleureusement Mme Brigitte Rochas de me faire parvenir ce texte. Ce document a été écrit par Léo Charras, cultivateur érudit du Palis. Tous 2 membres de l'association du Palis.
* Cet article est un souvenir, une mémoire, une trace de l'histoire de ce petit village, Le Palis.